J’accompagne Mathilde dans sa recherche de métiers. Elle est en seconde et ça fait sept ans qu’elle fait du théâtre et de l’équitation. Elle adore le théâtre et tout ce qu’il y a autour: la mise en scène, la réalisation du spectacle, les décors. C’est vraiment quelque chose qu’elle aime beaucoup. Je lui ai proposé d’interviewer un comédien (un métier qui l’intéresse beaucoup) pour qu’elle puisse plus facilement se projeter.
Nous avons donc poser quelques questions à Guillaume, Comédien depuis 2012. Guillaume nous a partagé sa passion et sa vision du métier. Merci à Guillaume pour ce témoignage enrichissant en toute transparence.

Quel est ton parcours?
C’est un métier où les parcours sont très différents de tout ce que j’ai pu rencontré, il y a un profil plus classique qui ressort : beaucoup de comédiens ont fait des études littéraires.
Il n’y a pas de règle et surtout il n’y a besoin d’aucun diplôme officiellement.
Moi, j’ai eu un parcours scientifique, que j’ai passé deux fois, ce n’était pas ma grande spécialité. J’ai commencé à faire la fac de médecine, j’ai loupé deux fois la première année. J’y étais plus par obligation familiale et ça ne me plaisait pas. J’ai donc arrêté mes études.
J’ai travaillé un été dans la morgue de l’hôpital, qui était à côté de chez moi, car j’avais besoin d’argent. C’était une expérience enrichissante sur tous les points de vue.
A 22 ans, je ne faisais que des petits boulots alimentaires pour payer mon loyer.
Puis j’ai sombré petit à petit dans une dépression. J’allais bosser le matin puis je rentrais chez moi vers midi – 13 heures. Je restais assis sur mon canapé, je pleurais toute la journée. Je vivais un peu la vie de ma copine de l’époque par procuration, parce que je n’avais pas grand chose à faire, parce que je ne savais pas quoi faire.
A force de pleurer sur mon canapé… Un jour, j’ai vu un film passer à la télé et je me suis dit c’est ça que je veux faire.
Donc j’ai commencé à me renseigner un peu. J’ai été au CROUSS de ma fac. J’avais demandé à une conseillère d’orientation. elle m’a dit :”ne faites surtout pas ce métier, ça ne mènera à rien. Faites plutôt une fac de psycho avec votre parcours c’est plus sûr. “ Elle était limite à m’arracher le classeur des mains. Les seules deux brochures qu’il y avait c’était sur le cours Florent et le cours Simon.
J’ai regardé un peu sur Internet ce que ça donnait. J’ai eu très peur car je n’avais jamais fait de théâtre ou quoi que ce soit. Je n’ai jamais rien fait dans ce domaine là et je me suis inscrit un peu en tentant le tout pour le tout. Je me suis inscrit à un stage d’accès. C’est un stage très intensif d’une semaine, où l’on a des cours de théâtre et on peut prendre des options. par exemple tu peux faire un cours de masques vénitiens. C’était très intéressant et à la fin de la semaine, il y a une petite audition pour savoir si on peut rentrer pour suivre le chemin de l’école professionnel. Quasiment tout le monde est pris, la sélection se fait ensuite au sein de l’école. Pour moi, ça a été une vraie révélation.

L’école est payante. Quand on sort de l’école on n’a pas de diplôme. Le cours Florent est une très bonne école, c’est un très bon choix pédagogique.
Je sais que j’ai eu de la chance aussi que tout marche très bien pour moi.
Quand je suis arrivé au bout de trois semaines, ma première échéance était devant François Florent, qui a créé l’école. J’avais 22 ans et il m’a dit : « tu es très limite pour passer l’audition du Conservatoire national. Il te faut absolument un papier comme quoi tu as déjà deux ans de théâtre derrière toi. » Je ne me suis même pas inscrit parce que j’ai eu beaucoup trop peur, je comprenais pas tout au cours donc je n’ai jamais passé le conservatoire.
Mais après le cours Florent s’est très bien passé pour moi, j’ai eu la classe libre en deuxième année. La classe Libre est un enseignement particulier qui fait que pendant deux ans, tu as la scolarité gratuit. Ils sélectionnent 20 personnes (10 garçon, 10 filles) un peu partout en France sur 5000. Sinon, c’est 3 fois 3 heures par semaine la version de base classique. Après, tu peux rajouter des options de comédie musicale, de chant, danse, de masque, de jeux en anglais. Mais au final, c’est là aussi que tu vois que tu travailles trois heures effectives par semaine et à côté il faut réussir à se voir avec tes camarades pour répéter. Le gros problème, ce n’est pas tant sur le plateau, c’est le temps autour qu’il faut essayer de rendre productif. Et du coup, c’est compliqué, surtout quand tu n’habites pas à Paris. J’ai fait les cours Florent pendant 4 ans parce que j’ai eu la classe libre au bout de la deuxième année, donc j’ai fait 2 ans de plus.
Après, j’ai décidé de devenir prof, là-bas. Je m’occupais des ateliers jeunesse pour les ados de 11 ans jusqu’à 18 ans, ils font des classes en fonction de l’âge. Je préférais m’occuper des ados que des ateliers adultes car c’était plus ludiques. J’ai fait ça pendant 3/4 ans. C’était trois heures par semaine, le mercredi après midi ou le samedi après midi.
J’ai arrêté quand j’ai été pris pour faire la comédie musicale 1789 en 2012.
Ils cherchaient un ado pour jouer le fils du roi. Ils m’ont demandé si j’en avais. J’en avais proposé deux, trois. Ils sont revenu pour me dire “en fait on cherche quelqu’un pour faire le roi”, j’ai auditionné, et j’ai été pris pour faire un autre rôle.
Expérience de dingue qui m’a permis de faire d’autres rencontres etc…
Maintenant, je travaille beaucoup en Chine, très souvent avec les comédies musicales. Les anciennes comédies musicales de France, qui marquent beaucoup comme Mozart, l’Opéra Rock, cartonnent en Corée. Le Rouge et Noir aussi, on la rejoue en Chine.
Qu’est ce qui te motive à aller travailler?
Je n’ai pas besoin de motivation. Ce qui est sûr, c’est que je ne voulais pas que le principe de devoir aller travailler le matin soit un poids. L’avantage de ce métier là : c’est un métier passion peu importe ce que je fais en faite, je suis content d’y aller parce que je suis content de ce que je vais découvrir, que ce soit pour aller en répétition, que se soit pour se préparer, pour aller jouer le soir, pour aller sur un tournage et poiroter toute la journée… Il va se passer quelque chose de différent tous les jours. On ne sait pas comment ça va se passer. J’ai envie de savoir ce qui va se passer aujourd’hui. J’aime la nouveauté. Il va y avoir des rencontres et puis surtout, je vais apprendre sur moi-même. J’aime pas dire ça parce que les gens se font des fantasmes. Je joue un peu tout le temps. Tu peux faire quelque chose de très particulier et souvent très différent.
Quels sont les avantages et les défauts de ce métier, selon toi ?
Je pense que les avantages et les défauts sont un peu les mêmes dans ce métier.
L’avantage, c’est que quand ça se passe bien, que tu as du travail, Tout peut arriver. Tu peux dans un même mois, aller jouer au Théâtre à Paris et partir sur un tournage pendant trois, quatre jours dans la foulée. Et une semaine après, tu pars pour aller jouer à l’autre bout du monde faire une comédie musicale. Ça, c’est un gros avantage. Ça peut être aussi un défaut au niveau de la logistique. Il faut avoir une vie qui peut aller avec ça.

Et puis après, il y a des défauts intrinsèques au métier. Il faut être capable d’accepter l’échec. C’est pas facile on te dit plus souvent non que oui. Le nombre de casting que tu passes peut être assez dégradant et assez humiliant si on le regarde personnellement… c’est encore plus dur pour les filles. Il faut accepter le principe qu’on ne veut pas de toi. Et que des fois, on va prendre quelqu’un d’autre qui correspondra peut être moins bien selon ton point de vue. Il y a des passe droits particuliers, c’est pareil dans tous les métiers aussi. Tu peux avoir une vraie impression de rejet personnel et individuel. Il faut toujours se battre contre son ego dans ce métier, à savoir que tu n’es pas le meilleur et garder beaucoup d’humilité. Il faut savoir se remettre en question.
Le métier de metteur en scène est une place qui m’intéresse aussi. C’est une place technique parce qu’il faut savoir comment tout le spectacle fonctionne. Tant les costumes que les perruques, le décor, toutes ces choses là. C’est intéressant en tant que comédien, cela permet de savoir parler à une équipe. Un technicien qui n’a pas fait de comédie peut avoir peur de parler au Comédien. Car c’est lui l’artiste. On ne sait pas trop comment lui parler. Ça fait aussi partie des défauts imaginaires, des fantasmes que les gens se font de ce métier là.
Quelles sont les difficultés de ce métier ?
La précarité : le statut des intermittents du spectacle est très compliqué et en ce moment, c’est encore pire. Pour parler très personnellement, les gens peuvent avoir besoin de sécurité et de se projeter.
La peur du lendemain : tu ne vois jamais à plus de 2-3 ans. Ça n’empêche pas les gens de faire projets, d’acheter des maisons. Il y a toujours la possibilité que tout s’arrête du jour au lendemain. Tu n’as aucune garantie, aucune sécurité et tout est à brève échéance. Le statut d’intermittent doit permettre de nous réguler mais il n’est pas facile à avoir. Il y a encore encore un an, j’ai perdu mon statut alors que je travaille quand même beaucoup, mais pas suffisamment.
Etre comédien est beaucoup une question de chance. Après les horaires décalés tu t’en accommodes.
Quelles sont les qualités à avoir?
Il faut être patient. Il faut croire que ta chance viendra un jour. Il faut être travailleur. Il faut savoir se remettre en question régulièrement et ne pas se stresser.
Il faut être très ouvert, très curieux. de toujours savoir de quoi on parle, de ne pas avoir trop de train de retard. il faut être présent.
Est ce que c’est difficile d’en vivre?
Oui, c’est compliqué. C’est une question de chance aussi, malheureusement.
Par contre, une fois que tu travailles régulièrement, ce n’est pas si compliqué que ça.
Les salaires sont de plus en plus bas, c’est plus compliqué. après, il y a quand même plein de plein d’ouvertures possibles en tant que comédien. Le théâtre ce n’est pas ce qui paye le plus. pour donner un ordre d’idée à Paris en ce moment, les gens normaux qui jouent, Ils sont payés en moyenne entre 100 et 150 euros par spectacle. Ce qu’il faut savoir, c’est que du coup, tu vas travailler cinq à six fois dans la semaine. En moyenne au théâtre, tu peux gagner 1500€ par mois. Tu peux faire de la publicité, tu peux faire les voix, tu peux donner des cours. Il y a des gros employeurs comme Disneyland, le Puy du Fou.
Comment tu vois l’avenir de ce métier?
Très compliqué, surtout avec la crise actuelle, les choses vont mettre du temps à repartir. Ce sont des métiers où chaque euro compte. on est dans une société qui s’intéresse très peu à la culture et à l’art. Alors qu’en terme de PIB, la culture rapporte 7 fois plus que ce que rapporte l’industrie automobile. Mais lorsqu’il y a une crise, les premiers que l’on va aider c’est l’industrie automobile… Ce n’est pas quelque chose de reconnu. On n’a pas envie d’investir la dedans car on n’est pas dirigé par des comédiens mais par des banquiers. Mais il y a une lueur d’espoir peut être 🙂